LE MEDIATEUR FAMILIAL
APAISER LES PARENTS POUR SAUVER LES ENFANTS
Récemment introduite dans l'île, la profession de médiateur
familial a pour mission d'accompagner les couples en situation de rupture
et leurs enfants dont les souffrances passent souvent au second plan.
L'enfant de ce couple en crise se plaignait de douleurs aux oreilles que rien
ne parvenait à soulager, en tout cas pas les visites régulières
chez l'otorhino-laryngologiste. De séances en séances, la fillette,
âgée de 8 ans, a fini par faire comprendre que ce qui lui faisait
si mal, c'était les disputes incessantes de ses parents. "Javais
beau m'enfermer dans ma chambre, je les entendais toujours", confiait-elle
à son médiateur familial.
Dans la plupart des cas, les parents sont bien trop occupés à
gérer leurs propres problèmes conjugaux pour percevoir la souffrance
de leur enfant, pourtant sous leurs yeux. Triste scénario mais d'une
fréquence insoupçonnée. Au regard de son expérience
de médiateur familial, Myrose Masseaux-Caillet connaît bien les
scénarios inhérents à ce genre de situation.
" Parfois, on prend les enfants pour confident. On les parentalise
ou on les utilise comme messager. On dis à l'enfant "dis à
ton père que s'il ne paye pas la pension alimentaire, il ne risque
pas de te voir. " Ce genre de pressions a des effets dévastateurs
sur le mental de l'enfant ".
Des traumatismes qui peuvent se traduire par des résultats scolaires
en chute libre, voire, chez les plus jeunes et donc les plus vulnérables,
par un mutisme pur et simple, que l'on ne peut traiter qu'après avoir
réglé le problème des parents.
La stratégie de mise en confiance de l'enfant passe par l'utilisation
de métaphores pour lui faire comprendre la situation. Après,
chacun sa méthode.
Simple question de feeling pour arriver à ce que le jeune sujet confie
ses souffrances. " Les enfants sont plus lucides qu'on ne le croit.
Ils comprennent facilement lorsqu'on leur explique avec des mots à
eux. Le problème, c'est qu'ils se culpabilisent du malheur de leurs
parents ".
Un jeune garçon de 8 ans meurti par la séparation de ses parents
s'est par exemple retrouvé en proie à de très fortes
violences psychologiques. " Sa mère lui avait interdit de voir
ses demi-soeurs, les filles de son mari, parcequ'elle savait qu'ils étaient
liés par une profonde affection. Mais il les voyait en cachette et
les visites de son père ne pouvaient s'effectuer que sous des conditions
drastiques. La mère a fini par partir avec l'enfant. Un jour, en cours
de séance, l'homme en question m'avait fait part d'un pressentiment.
Il savait qu'il allait se passer quelque chose. Le soir même, l'enfant
a déboulé en pleurs au cabinet où son père était
resté. Il avait réussi à échapper à la
surveillance de sa mère. L'idée de ne plus le revoir le terrorisait.
La scène était poignante, ils pleuraient tous les deux. La gravité
des séquelles laissées par les problèmes de cette famille
étaient trop graves. Ce jour-là, j'ai préféré
orienter l'enfant et sa mère vers des psychothérapeutes. "
Longtemps, bien longtemps après la résolution théorique
du conflit, les blessures se rouvriront. La vieille théorie de la reproduction
sur autrui des traumatismes subis semble plus tenace que jamais.
" Leur passé peut les dissuader de fonder une famille. Leur enfance,
c'est la colonne vertébrale de leur mental. Et s'ils ne trouvent pas
de modèles dans leur famille, ils vont les chercher dans la rue, à
l'extérieur. C'est çà le danger. Car s'ils ne respectent
pas quelques lois au sein de leur famille, ils ne respecteront pas celles
de notre société. " D'après une récente étude,
10 à 15% des placements en foyer sont dus aux errances de jeunes. Le
phénomène prend visiblement de plus en plus d'ampleur. La journée
d'aujourd'hui n'est pas de trop pour éveiller les consciences.