" LORSQUE LA BELLE HISTOIRE FINIT CHEZ LA MEDIATRICE
"
Myrose CAILLET est médiatrice familiale. Son rôle est d'accueillir
et d'apporter le soutien nécessaire aux couples "en dérive".
Aux cours de ses entretiens, elle rencontre inévitablement des couples
mixtes : " au départ, il est vrai que l'amour masque les différences
de cultures. Lorsqu'un problème surgit, ces différences deviennent
intolérables pour l'un des deux partenaires. J'ai eu à suivre
la relation d'un homme métro et d'une femme malbaraise. Au début
de leur histoire, le mari a tenté de s'adapter aux traditions de sa
belle-famille. Il faut souligner qu'à la Réunion, dans certaines
communautés, l'implication de la famille élargie dans le couple
est très forte. Ce conjoint métro n'acceptait plus les rites
religieux de son épouse et souhaitait que ses enfants n'assistent plus
aux sacrifices d'animaux ; il était lui-même choqué par
ces pratiques. L'épouse s'est retrouvée "reniée"
et sa famille s'en est mêlée. Comment faire évoluer ce
conflit ?
" En les apprenant à s'accepter. L'écoute des deux partenaires
devient primordiale. Vient ensuite l'intérêt des enfants, le
choix de leur avenir, le respect des origines de chacun. Au cours des entretiens
que je mène : soit les deux en même temps, soit chacun de son
côté, ce couple a appris " à entendre les souffrances
mutuelles et à regarder l'avenir ".
Autre cas typique à la Réunion : un homme cafre marié
à une créole blanche des Hauts. Situation classique d'un couple
en rupture : les coups, les insultes, la femme s'est retrouvée seule
à travailler pour élever ses enfants, son mari étant
au chômage. " Il fallait faire prendre conscience à l'homme,
de sa place et de ses responsabilités au sein de la famille malgré
son état de "faiblesse", sentiment d'infériorité
par rapport à son épouse qui travaille, et sentiment de fatalité
dû aux séquelles de l'esclavage transmis à travers les
générations. L'attitude de cet homme était "traditionnelle"
; il ne cessait de répèter à son épouse : "
a ou la fait z'enfants pas moins ". Au temps de l'esclavage, l'homme
esclave n'était qu'un géniteur servant à fructifier le
capital du maître qui était propriétaire de sa progéniture.
Ce double sentiment ne pouvait déboucher que sur un conflit violent.
Il traitait sa femme de "yab" et la battait. Ainsi, ce mari avait
le sentiment de prendre sa revanche malgré lui sur une descendante
des bourreaux de ses ancêtres. L'épouse victime de ces violences
porte plainte, quitte le domicile, demande le divorce. Dans un tel contexte,
le travail de médiation est délicat : pour les faire évoluer
positivement, le médiateur fait prendre conscience aux deux partenaires
de la réussite de leur union au moins sur un point : leurs enfants.
"
L'amour qu'ils leur portent est le levier qui permet à l'issue des
entretiens, même en cas de rupture, à ce que l'homme soit digne
de son rôle de père et respecté, et que la mère
n'ait pas de scrupule à être une femme libérée
et respectée.